Le Conseil constitutionnel a été saisi le 19 juillet 2010 par la Cour de cassation (arrêts nos 12195 et 12196 du 16 juillet 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, d'une part, par la société SITA FD SA et la société K2O SA et, d'autre part, par la société SITA SUD OUEST, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 1 et du 8 du paragraphe I de l'article 266 sexies et du 1 et du 8 de l'article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 99-422 DC du 21 décembre 1999 ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 août 2010 ;
Vu les observations produites pour la société SITA SUD OUEST par la SCP Hélène Didier et François Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 août 2010 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 août 2010 et le 26 août 2010 ;
Vu les observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 6 août 2010 ;
Vu les nouvelles observations produites pour la société SITA FD SA et la société K2O SA par Me Thierry Gallois, enregistrées le 9 septembre 2010 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Thierry Gallois pour la société SITA FD SA et la société K2O SA, Me Denis Redon, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour la société SITA SUD OUEST et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 12 octobre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que, selon les dispositions des 1 et 8 du paragraphe I de l'article 266 sexies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999 susvisée, une taxe générale sur les activités polluantes est due par :
« 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, coincinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit ; »
« 8 a. Tout exploitant d'un établissement industriel ou commercial ou d'un établissement public à caractère industriel et commercial dont certaines installations sont soumises à autorisation au titre du livre V (titre Ier) du code de l'environnement ; »
« 8 b. Tout exploitant d'un établissement mentionné au a dont les activités, figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État après avis du Conseil supérieur des installations classées, font courir, par leur nature ou leur volume, des risques particuliers à l'environnement » ;
2. Considérant que, selon les dispositions des 1 et 8 de l'article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi du 29 décembre 1999 susvisée, le fait générateur de la taxe générale sur les activités polluantes est constitué par :
« 1. La réception de déchets par les exploitants mentionnés au 1 du I de l'article 266 sexies ; »
« 8 a. La délivrance de l'autorisation prévue par l'article 3 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 précitée ; »
« 8 b. L'exploitation au cours d'une année civile d'un établissement mentionné au b du 8 du I de l'article 266 sexies » ;
3. Considérant que les sociétés requérantes soutiennent que ces dispositions fixent des règles d'assujettissement différentes selon que les déchets inertes, de même nature, sont mis en dépôt dans des installations de stockage de déchets inertes ou dans des installations de stockage des déchets ménagers afin d'y être utilisés comme « matériaux de couverture » de ces déchets ; qu'en conséquence, elles porteraient atteinte au principe de l'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
5. Considérant qu'en instituant une taxe générale sur les activités polluantes, le législateur a entendu en intégrer la charge dans le coût des produits polluants ou des activités polluantes, afin de réduire la consommation des premiers et limiter le développement des secondes ; qu'il a, en conséquence, soumis à cette taxe les exploitants d'installations de stockage de déchets ménagers et d'installations d'élimination des déchets industriels spéciaux ; qu'en revanche, il n'a pas assujetti à la taxe générale sur les activités polluantes, au titre du stockage de déchets inertes, les exploitants des installations spécialement destinées à recevoir ces déchets ; que, par suite, les dispositions du 1 du paragraphe I de l'article 266 sexies et du 1 de l'article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1999 susvisée ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, être interprétées comme s'appliquant à l'ensemble des quantités de déchets inertes visés par ces dispositions ;
6. Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, les dispositions contestées ne sont contraires ni au principe d'égalité devant les charges publiques ni à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,
DÉCIDE :
Article 1er.- Sous la réserve énoncée au considérant 5, sont conformes à la Constitution les dispositions du 1 et du 8 du paragraphe I de l'article 266 sexies ainsi que les dispositions du 1 et du 8 de l'article 266 septies du code des douanes dans leur rédaction issue de la loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 18 octobre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 18 octobre 2010.